Projet-sens et Empreinte de naissance : faire la différence
Cet article est le second sur le projet sens. Pour lire le premier, c’est ICI.

« Il n’y a rien à déprogrammer. » — Jean-Philippe Brébion
Introduction-La vie avant la vie
On pense souvent que notre histoire commence le jour de notre naissance. Pourtant, de nombreuses approches cliniques et thérapeutiques montrent que beaucoup de nos émotions, réflexes de survie et manières d’aimer s’esquissent avant ce premier souffle.
Dans ce cadre, Marc Fréchet et Myriam Brousse ont popularisé la notion de projet-sens : une période de 18 mois fondamentaux, qui précèdent et incluent la naissance. Parallèlement, Jean-Philippe Brébion (Bioanalogie) décrit un cycle de 27 mois : les 18 mois du projet-sens + 9 mois après la naissance.
Cet article clarifie ces notions et montre comment les approches de psychogénéalogie et de mémoire cellulairepermettent d’explorer et d’apaiser ces empreintes précoces.
Note scientifique — L’intérêt clinique de ces périodes est reconnu dans plusieurs écoles thérapeutiques. Les liens « biologiques » précis (notamment en épigénétique humaine) restent en partie débattus : certaines études suggèrent des transmissions intergénérationnelles d’effets du stress, mais la preuve formelle et les mécanismes demeurent en exploration. Restons donc rigoureux et prudents.
1. Le projet-sens : définition précise (18 mois fondementaux)
Périmètre. Le projet-sens couvre les 18 mois qui précèdent et incluent la naissance (de −18 mois à 0).
Idée centrale. Selon Marc Fréchet, approfondi par Myriam Brousse, l’enfant « enregistre » durant cette période un climat émotionnel et symbolique : désirs ou peurs parentales, secrets et non-dits, événements marquants, contexte de la venue au monde.
Effets possibles. Cette empreinte précoce peut colorer le sentiment de sécurité, les schémas relationnels, la réaction au stress et la posture face au monde.
Exemples fréquents. Conception après un deuil périnatal (l’enfant porte parfois une loyauté silencieuse) ; conception dans un contexte de conflit, de précarité ou d’exil ; enfant très attendu vs. enfant surprise. Comme le rappelle Myriam Brousse, le corps garde la trace de ce qui n’a pas pu se dire : ces éléments s’expriment souvent par des tensions, des postures ou des dates qui « piquent » chaque année.
2. Le cycle de 27 mois selon Jean-Philippe Brébion
Périmètre. L’Empreinte de naissance couvre 27 mois : les 18 mois du projet-sens + 9 mois postnataux (0 → +9).
Intuition. Les premiers mois après la naissance prolongent et modulent l’empreinte : qualité de l’attachement, régularité des soins, ambiance familiale, premiers événements significatifs.
Conséquence. Cette trame peut rejouer plus tard sous forme de cycles (certaines dates ou âges-clés reviennent). Ce cadre n’oppose pas le projet-sens : il l’englobe et met l’accent sur ce qui se reprogramme dans la rencontre concrète avec le monde (0 → +9). Jean-Philippe Brébion insiste sur une idée forte : l’empreinte est neutre — il ne s’agit pas de « déprogrammer » mais de révéler une créativité possible dans la manière de la vivre.
3. Comment ces empreintes s’inscrivent-elles ?
Niveau émotionnel et relationnel. Attentes, peurs, loyautés invisibles, place « assignée » dans la famille.
Niveau corporel. États de tension/relâchement, réflexes d’alarme, appétit et sommeil, réactions au stress — autant d’indices d’une mémoire implicite.
Niveau narratif. Mots prononcés, secrets, silences, histoires familiales actives.
La psychogénéalogie, de Anne Ancelin Schützenberger à Bruno Clavier et Didier Dumas, a montré combien dates, répétitions et places structurent nos trajectoires. Le projet-sens se comprend alors comme un nœud de contexte où ces dimensions convergent.
4. Explorer son empreinte de naissance : outils concrets
Génosociogramme (psychogénéalogie).
Cartographier événements, dates, prénoms, pertes, alliances, en ciblant −18 → 0 (et 0 → +9 si l’on suit Jean-Philippe Brébion).
Bio-résonance cellulaire.
Repérer puis « décoller » des empreintes figées, en douceur.
La grille de vie (Marc Fréchet) — l’outil pivot
La grille de vie est une ligne du temps structurée qui permet de faire dialoguer trois couches d’information :
- Biographique (faits, dates, lieux),
- Transgénérationnel (événements de la lignée qui résonnent),
- Somato-émotionnel (ressentis du corps, symptômes, mots marquants).
Ce que la grille rend visible
- Des motifs : loyautés invisibles, “enfant de remplacement”, places dans la fratrie, dates récurrentes…
- Des liens corps-histoire : une douleur qui revient à la même période ; une anxiété qui monte chaque année autour d’une date clé…
- Des leviers d’apaisement : là où un rituel ou une parole peut ré-inscrire l’histoire autrement.
Astuce pro : garde la grille vivante. On ajoute, on affine, on colorie les zones de “tension”… La grille devient un espace de transformation, pas un tableau figé. On la fait sienne !
Descente dans le corps (mémoire cellulaire)
En parallèle de la grille, on “descend” dans le corps (approche transmise par Myriam Brousse) : sentir respiration, appuis, densités, laisser venir images/mots. Ce qui n’a pas pu se dire remonte souvent ici. On travaille au rythme du système nerveux (jamais en force).
La grille de vie n’est pas un oracle, ni un outil permettant un quelconque diagnostic. C’est un outil de clarté qui invite à Voir – Accepter – Transformer. On ne plaque pas une théorie : on écoute le corps, on honore l’histoire, on pose des gestes simples et ajustés.
5. Voir – Accepter – Transformer
Voir. Mettre en lumière les faits, émotions et non-dits de ces périodes.
Accepter. Reconnaître sans accuser ; honorer ce qui a été possible.
Transformer. Poser des gestes symboliques (nommer un enfant perdu, écrire une lettre, allumer une bougie…), créer des rituels d’apaisement, engager un travail corporel pour remettre du mouvement.
Ce processus n’a rien de magique : c’est une écoute structurée qui redonne au corps et à l’histoire leur pouvoir de transformation.
Cette méthode a été crée par Myriam Brousse (qui fut ma thérapeute).
6. Études et prudence méthodologique
Épigénétique. Des travaux suggèrent des effets intergénérationnels (ex. stress maternel, famines). L’extrapolation à des schémas psychiques précis demande de la prudence.
Neurosciences. La mémoire implicite et la plasticité précoce du système nerveux soutiennent l’idée d’empreintes durables.
Conclusion – Honorer les premiers chapitres
Les 18 mois du projet-sens — et, pour certains, le cycle de 27 mois — forment une trame où se tissent sécurité, relation au monde et élans de vie. Les explorer avec délicatesse, c’est reprendre la main sur des répétitions et offrir paix et souffle à sa lignée.
Parole de Jean-Philippe Brébion (Bioanalogie)
Propos recueillis par Carine Anselme
Empreinte de naissance (27 mois).
Un cycle biologique cellulaire de 27 mois correspondant à nos programmes personnels de naissance : 18 mois qui précèdent et incluent la naissance + 9 mois après.
La vie comme expérimentation.
« La vie est une reconnaissance permanente de notre vérité profonde. »
Influencé très tôt par Teilhard de Chardin (« La vie est expérimentation »), Jean-Philippe Brébion place l’expérience vécue au centre : pas de résultat à atteindre, mais un mouvement d’exploration.
Non-dualité & sortie du registre “cause/réparation”.
Sa démarche est humaniste et non-duelle : chercher la cause mène à une chaîne infinie de causes. La cause peut ouvrir à une réparation, mais pas à la guérison.
Qu’est-ce que la guérison ?
« Prendre le risque de faire vivre l’être unique que l’on est. Sans attente, sans vouloir modifier l’extérieur. »
La maladie a un sens.
Ancrée par son expérience en Himalaya (vallée de Spiti), l’idée que la maladie porte un sens est naturelle dans certaines cultures : reconnaître ce sens transforme la relation au symptôme.
Clé pratique : responsabilité et intégration priment sur la quête de “solution miracle”.
Empreinte : neutre, ni positive ni négative.
« Il n’y a rien à déprogrammer. » L’enjeu n’est pas d’effacer, mais de révéler la créativité de l’empreinte.
Formule forte : « 100 % programmés… et 100 % libres » de la vivre autrement.
Exemple parlant.
Si, autour de la naissance, un événement marque la peur de “sortir de la route” :
– Version duale : je vis “hors-piste” malgré moi / je “déroge” en souffrance.
– Version créative : j’innove, j’ouvre une voie qui sort des cadres.
Ni bien ni mal : principe neutre.
Quatre dates fondatrices & Quatre Nobles Vérités.
Jean-Philippe Brébion met en corrélation les 4 dates clés de l’Empreinte et les Quatre Nobles Vérités du Bouddha(Sarnath) pour dégager 4 lois ontologiques — injonctions de vie que chacun peut vivre :
- Se situer (rapport au temps & à l’espace),
- Agir (action juste, pas réactionnelle),
- Constater / concrétiser (paix avec la réalité telle qu’elle est),
- Se respecter (fidélité à sa vérité intérieure).
Ces lois nourrissent un ensemble de 36 Clés de naissance (archétypes) pour comprendre le fonctionnement humain (au-delà de la psychologie descriptive).
Bouddhisme : une rencontre d’expérimentation.
Rencontres décisives (notamment Lochen Tulku Rinpoche, puis le Dalaï-lama) vécues comme des expériences qui confirment la voie : « Ne croyez rien, expérimentez… Il n’est qu’une vérité : la vôtre. »
https://www.neosante.info/jean-philippe-brebion-passons-de-la-la-survie-a-la-vie/
Bibliographie
Neurosciences / stress précoce
- Sonia Lupien, Bruce McEwen et coll. — Nature Reviews Neuroscience (2009). Revue majeure : l’exposition au stress (y compris prénatale et durant la petite enfance) modifie durablement les systèmes cérébraux impliqués dans la cognition et l’humeur (axe HPA, amygdale/hippocampe). PubMed
Épigénétique humaine (exposition précoce → marqueurs durables)
- Bastiaan Heijmans et coll. — PNAS (2008) “Dutch Hunger Winter” : chez des adultes exposés péri-conceptionnellement à la famine, hypométhylation persistante d’IGF2 ~60 ans plus tard. Étude pionnière, répliquée/étendue ensuite. PNAS PubMed PMC
- Tim Oberlander et coll. — Archives of Disease in Childhood / PLoS (2008) : l’humeur maternelle pendant la grossesse est associée à la méthylation du gène NR3C1 (récepteur des glucocorticoïdes) chez le nouveau-né et à des réponses au stress infantile. PubMed adc.bmj.com
- Rachel Yehuda et coll. — Biological Psychiatry (2016) / suivis ultérieurs : différences de méthylation FKBP5chez des survivants de la Shoah et leurs enfants, compatibles avec des effets intergénérationnels liés au trauma. (Résultats nuancés selon sites/allèles et études, mais signal récurrent.) Journal de psychiatrie biologique PubMed Psychiatry Online
- Torsten Klengel et coll. — Nature Neuroscience (2013) : chez des adultes, interaction gène × trauma infantileentraînant une déméthylation allèle-spécifique de FKBP5 et une dysrégulation prolongée de l’axe du stress. Mécanisme plausible entre vécu précoce, marqueurs épigénétiques et stress. Nature PubMed
Données mécanistiques (modèle animal, fondateur)
- Ian Weaver, Michael Meaney, Moshe Szyf et coll. — Nature Neuroscience (2004) : chez le rat, les soins maternels précoces modifient durablement la méthylation du promoteur GR (NR3C1) dans l’hippocampe et la réactivité au stress à l’âge adulte. Base mécanistique de la programmation précoce. PubMed zoology.ubc.ca
Pourquoi « prudence » et non déterminisme
- Maya Waggoner et coll. — New Genetics and Society (2015) : mise en garde contre les lectures déterministesde l’épigénétique ; plasticité et contexte comptent, et les inférences causales directes doivent rester prudentes. PMC
- Camille Dupras et coll. — Frontiers in Genetics (2018/2019) : analyses éthiques/sociétales rappelant que l’épigénétique ne doit pas être traduite en étiquettes figées pour les individus ou les groupes. Frontiers PMC
En bref :
- Oui, des expériences précoces sont associées à des réponses au stress modifiées et à des différences de méthylation (IGF2, NR3C1, FKBP5).
- Non, cela n’implique pas un destin biologique linéaire : les effets sont contextuels, parfois réversibles et hétérogènes selon les individus, les tissus, les sites de méthylation et le temps. D’où l’approche clinique centrée sur l’écoute et l’intégration, pas sur les étiquettes.
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